21.5.08

UN PRIX AHURISSANT

PARIS (AFP) - L'ensemble des neuf manuscrits surréalistes signés André Breton, dont le célébrissime Manifeste du surréalisme, ont été vendus 3,2 millions d'euros (sans frais) à l'issue d'une véritable bataille d'enchères mercredi chez Sotheby's à Paris, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les neuf manuscrits ont été acquis par le collectionneur Gérard Lhéritier, fondateur du Musée des lettres et manuscrits à Paris.

Les manuscrits, qui provenaient de la famille de Simone Collinet (1897-1980), première épouse d'André Breton de 1921 à 1931, avaient d'abord été vendus séparément puis ont fait l'objet d'une proposition de vente avec "faculté de réunion". Cette procédure relance les enchères pour permettre à un unique enchérisseur d'emporter le lot complet.

19.5.08

Headline

LES EDITEURS COMPTENT LEURS BOMBES
POUR LA GRANDE BATAILLE D'OCTOBRE


(titre en une du Figaro Littéraire
daté de... 1957)

17.5.08

Arkham-Zanzibar


Une fiction : ça faisait longtemps! Ce sera aussi la dernière, du moins sous ce format - après ça, dès que je le pourrais, je m'attelerai de nouveau à ma "grande vanité" (comme disait Lazare), qui va me prendre de longs mois dès que je serais libéré de Dédé Breton. Quant à cette histoire, bourrée de clins d'oeil ainsi que de quelques jolis collages, je ne l'ai pas jugée assez satisfaisante pour être imprimée sur papier, mais ça ne m'empêche de vous l'infliger malgré tout. Coïncidence - aujourd'hui, j'ai retrouvé par un total hasard depuis quel bouquin le nom Weissmann m'avait été soufflé par mon subconscient : Gravity's Rainbow. Have a good read --- P.B.

Arkham (Mass.), 130.000 habitants : le panneau officiel (orné de la mascotte locale, une sorcière vert fluorescent souriant de l’unique reste de sa dentition) venait juste de passer, fléchage brièvement aperçu par la fenêtre du taxi qui ramenait Carter dans sa ville natale, après un énième duo d’années d’absence. Plus tout à fait le printemps, pas encore l’été, à la tombée du jour il devinait les reflets sinistres de la lumière déclinant sur les carroseries de l’embouteillage, et plus très loin le profil de la cité sans cesse modifié. Carter était calé dans un coin de la banquette arrière, encore à moitié assommé par les heures de sommeil manquantes, vérifiant de temps à autre d’un œil morne, peinant à encore s’intéresser, que l’énorme valise à quadruple serrure était toujours présente sous ses pieds gourds – c’est que, paraît-il, dans ces nouveaux taxis, on y volait tellement de stradivari aux violonistes étourdis. Le chauffeur, un réfugié du Caucase ayant réussi à presque effacer toute trace d’accent de la vallée à force de prendre avec les soap-opéras des leçons de psitaccisme, avait remplacé son rétroviseur par une petite télé à écran bombé, calée sur CNN dont il semblait ne jamais se repaître depuis l’aéroport de Boston. De temps à autre, Carter chassant les fourmis de ses orteils jetait un regard écoeuré sur le poste dans lequel la journaliste, une jolie hindoue, répétait avec l’air grave de rigueur les bilans des dernières catastrophes naturelles : tornades du Minnesota, cyclone en Thaïlande, éruption volcanique en Alaska… Comment, se demandait Carter, était-il possible de compter en si peu de minutes le nombre exact des morts éparpillés par milliers dans un paysage dévasté, le visage retourné dans les eaux stagnantes, alors qu’il lui fallait lui-même des soirées entières pour déterminer la datation d’une flèche de sagaie toute rouillée par des millénaires de mise en terre ?
“C’est terrible”, marmonna-t-il d’une voix mécanique, sans particulièrement s’adresser au chauffeur, qui se retourna aussitôt à en oublier sa route.
“Comment ça, terrible ? Tout ça n’a rien de terrible, monsieur. C’est logique. C’est la goutte d’eau de la pomme d’arrosoir qui s’écrase par hasard sur le nid de fourmis. La lave, les plaques terrestres, les énormes pressions incalculables qui s’opèrent sur des endroits impossibles à déterminer à l’avance, tout ça s’élance, explose, exhulte. La tornade hurle de joie, le cyclone fait des moulinets avec ses bras autour de son centre cyclopéen né de l’océan, le volcan jubile comme un orgue rouge sur les puissances du noyau terrestre. C’est comme les vents qui balaient la vallée d’où je viens. Peut-être aurez-vous l’occasion de les déchiffrer un jour, quand le dictateur Tchort, puisse-t-il crever en enfer comme un chien, sera parti ?”
“Quelles sont les variétés d’arachnides présents en Ouzbékistan ?” demanda Carter.

Arkham, donc, ne cessait de changer, de grossir, d’opérer comme tout le pays une lente métamorphose (glorifiez la croissance ! adulez la consommation !) qui ne réussirait jamais à masquer une irréversible dégradation que trop peu encore savaient décrypter. Carter, plus qu’aucun autre habitant de cette ville, avait consciensce de ce qui, à chaque élévation de grues, à chaque émergence d’un nouveau chantier, était alors mis à bas, lacéré, renvoyé à un mythe qui ne s’était en fin de compte que trop attardé dans cette réalité. Il y a vingt ans, dans leur guide de la région, Guardalupo et Mangelstam parlaient encore d’une “vieille ville” ayant “très peu changé depuis” sa fondation à l’époque du premier Charlie King. Mais à chacun de ses retours réguliers, Carter distinguait parfaitement la ville historique en train d’être engloutie sous un glacis épais de béton, d’ascenseurs de verre et d’enseignes lumineuses. La vieille maison familiale des Carter, construite en style gothique charpentier au sommet d’une des sombres collines dominant la ville, avait été la première tomber sous les coups de la masse-boulet. Il se remémora de nouveau, claquemuré dans sa solitude pendant qu’il arpentait les trottoirs bondés de cette fin de soirée, ces bardeaux et pots-à-feu que les mains caleuses d’autres siècles avaient taillés dans les troncs géants des bois alentours avant de les hisser parmi l’océan de tuiles de traviole qui tapissait les toits, oui ces éléments de décoration festifs et funèbres à la fois, comment ils étaient tombés au sol, projetés par la violence de la prospérité en marche, éclatant au contact du sol, exhibant leurs échardes et leurs fibres anciennes comme des cadavres leurs tripes, tous aussitôt menés à la décharge en camion-benne, sans respect pour les C majuscules qui proclamaient jusque dans le moindre écouvillon la grandeur déchue de sa famille. A la place se dressait désormais un hôtel luxueux, dans lequel les commerciaux fatigués pouvaient contre rémunération trouver davantage qu’un écran plat avec douze-cent chaînes pour se reposer. Il évitait toujours de passer devant, mais la grande enseigne en néon rouge, “Arkham MegaHostel”, visible à dix miles à la ronde, lui arrachait malgré tout au détour de certaines rues des soupirs, exhalaisons de blessures jamais refermées. Merci seigneur, il était le dernier de la famille : les morts, depuis la fosse commune aseptisante où l’ensemble du vieux cimetière avait été transféré, caveau familial des Carter y compris, avaient autre chose à plaindre que cette perte-là. Père, mère, ossements perdus parmi les anonymes de dizaines de décennies. Nausée.

Après une longue marche dans les banlieues de la ville, que son corps semblait lui réclamer en dépit de toute l’horreur mercantile qui s’empressait de lui tendre ses appâts autour de lui, Carter finit par regagner l’appartement-cagibi dans lequel les vestiges du passé avaient pu trouver refuge. Six mois qu’il était parti. La plante palmiphore avait plus qu’un sérieux besoin d’être arrosée : la résurrectionner semblait plus judicieux. En revanche, les étagères de livres s’étaient couverte d’une couche de poussière assez épaisse pour lui soutirer un long sourire d’appétance. A peine avait-il posé ses affaires, qu’il collecta cette poussière avec le dessous de l’index, fins moutons gris s’enroulant comme une prometteuse barbe-à-papa ; au-dessus du frigo mortellement vide, le pot à feuilles sèches était toujours bien là, ses charmes toujours à disposition ; mêlés à la poussière, les ovales végétaux habilement roulés dans un papier spécifique formaient des cigarillos argentés ; sans aucune impatience, il n’en confectionna qu’un seul, dont la flamme du briquet libéra aussitôt une bouffée mystique. Pendant que la fumée odorante (mélange de parchemin brûlé et de menthe radioactive) emplissait peu à peu l’appartement, il parcourut machinalement les rayonnages, lestés du peu qu’il avait pu sauver, avec ses économies d’étudiant en archéologie, de la vente à l’encan de la bibliothèque de ses ancêtres, que les occultistes, les libraires anciens (marchands du temple !), les pseudo-alchimistes et les groupies gothiques en mal de presse-papiers faisant authentique s’étaient arrachés sous la tente de la maison d’enchères. Des exemplaires rarissimes du Livre d’Eibon, de l’Unaussprechlichen Kulter de von Junzt, une copie des Manuscrits pnakotiques, des Fragments du Sussex, et puis le Culte des goules du comte d’Erlette, dans lequel son père lui avait appris le français et qu’on lui faisait lire enfant comme un livre d’histoires aux gravures horrifiques. Regarde, fils, cette image de rituel. Oh, c’est rigolo ! Posée contre la bibliothèque, Carter repéra enfin sa guitare à treize cordes, qu’un indien ojibwa lui avait spécialement fabriquée, lorsqu’il la saisit sa caisse émit ce bruit sourd de madera ancienne, et pincées les cordes émirent, comme si elles n’étaient pas restées si longtemps muettes, ce son de clavecin indigène, si étrange, presque hypnotisant. S’asseyant en position du lotus sur le parquet sale, Carter entonna alors, pas vraiment désireux d’aller dormir, son cigarillo hétérodoxe coincé entre les lèvres, l’une de ces chansons débiles, à rimes trop faciles, qu’il aimait forger dans les moments de torpeur des fouilles en attentes d’autorisations officielles, ou lorsqu’il s’était retrouvé perdu dans toutes ces caves souterraines immenses, les parois comme grattées en même temps par les rats dans ces murs de basalte, chanson pour faire fuir à tout prix le souvenir de l’arachnide, fredonnée pour lui seul afin d’assurer la présence d’une autre voix :

There was a knight
Whose name was Dwight
He wanted to fight
All day and night
On the shores of Wight
Just out of sight
His helmet tight
His armour light
Feared for his might
His mind all right
But facing plight
So good a knight…


Le lendemain vit Carter rendre visite à son éditeur, la grosse enveloppe contenant son manuscrit calée sous le bras. Les bureaux de Wax & Weird avaient déménagé loin du centre-ville en pleine reconstruction, pour se réinstaller dans un grand cornichon de verre (soixante étages ! chaque bureau avec fenêtre guarantie !) enrobé d’un filet de tubes dont la luminosité changeait suivant le moment de la journée. Ceux-ci étaient présentement d’un jaune de citronnade industrielle, en concurrence avec un soleil quelque peu fatigué. Tout dans le bureau était en verre, meubles, chaises, parois, et Carter durant la demi-heure qu’il dut passer en ces lieux s’arrangea pour ne jamais regarder si le plancher sous ses pieds était lui aussi transparent. Les seules exceptions à ce régime de sable vitrifié étaient le mini-ordinateur en plastique blanc et l’enveloppe brune posés sur le bureau, derrière lequel un certain Little, tout aussi transparent que son environnement, chemise de soie bleue fine et grosse montre donnant l’heure en option, observait le manuscrit que ses mains tremblantes sortaient de l’enveloppe comme si l’irruption d’une huitième patte velue était à en redouter.
“Bien, merci. Nous en prendrons, hum, grand soin, comme d’habitude. Mais, Mr Carter, il faut que nous évoquions, hé bien, la fin de votre contrat avec Wax & Weird.”
“Ah ?”
Suite à ce petit “ah” pas très engagé, Little sembla se détendre, car il s’était apparemment davantage attentu à ce que son interlocuteur oppose la même résistance que le scribouillard à vagues intentions poétiques (pouah) dont il s’était débarrassé la veille.
“Techniquement, vous n’avez jamais songé à écrire directement à l’ordinateur ? Le papier, c’est si peu pratique : ça se perd, ça se brûle… Alors qu’un fichier, c’est propre, et ça ne se perd jamais ?”
“Quelle tentative malhabile de changer de sujet. Abrégez, s.v.p.”
“C’est que, les études de notre cabinet d’études stratégiques l’ont prouvé, il n’y a plus vraiment de débouchés pour les produits, hum les livres que vous nous proposez.”
“Hey ! On m’a dit que ces livres avaient encore beaucoup de succès auprès de la jeunesse !”
“Oh, allons, vous savez très bien que les jeunes d’aujourd’hui n’y comprennent rien de rien, ils croient que vous écrivez vos histoires sous l’emprise d’un champignon hallucinogène importé illégalement du Chiapas ou du Tutuguri ou je ne sais quel trou perdu mexicain, ils trouvent ça, je cite, cool, et cherchent encore entre les lignes des indices pour commander la bonne moisissure au laboratoire local.”
“Hé bien, heu, c’est toujours ça de pris ?!?”
“Mr Carter. Je veux bien croire qu’une frange marginale de la jeunesse y trouve son compte, mais enfin, tenez, huh…”
Little prit dans la pile épaisse un feuillet au hasard, avec un geste maladroit (confirmant à Carter que son éditeur ignorait définitivement le contact de cette chose étrange nommée le papier), et se mit à lire, soulignant chaque mot comme s’il avait été volé à la ponte d’une langue étrangère.
Cette texture membraneuse, incorruptible et pratiquement indestructible, était un attribut inhérent à la forme d’organisation de la chose, dont la phylogenèse était à chercher du côté d’un cycle paléogéologique de l’évolution des invertébrés totalement hors de portée de nos capacités spéculatives.”
Bref silence. Un “ding-dong” atrocement jovial annonça qu’un e-mail venait d’arriver à destination.
“Mr Carter, croyez-vous franchement qu’on puisse encore écrire ainsi au 21e siècle, à l’heure d’Internet, des satellites et des navettes spatiales ?”
“Je ne vois pas en quoi le langage de la biologie moléculaire devrait fuir la vindicte de votre, hum, de notre époque.”, répliqua Carter avec le moins de sécheresse possible. “Mon père et mon grand-père écrivaient la même chose, dans ce même style, bon je veux bien l’admettre un peu démodé, mais personne ne s’en est jamais plaint, au contraire.”
“Comprenons-nous bien.” (Ces mots accompagnés d’une jointure des mains signifiant une patience factice parvenue au bout de ses moyens.) “Nous ne remettons pas en cause la solidité, euh, scientifique de votre propos. Scientifique ? Mettons scientifique. Bon. Mais, étant donné le contexte économique, ainsi que les exigences que le scénario et les illustrateurs pourront objecter…”
“Pardon ?!?”
“Vos monstres sont très crédibles, certes, et moi-même je suis mort de trouille lorsque je les lis chez moi, ah ah ah, mais enfin comment voulez-vous avec des indications aussi, hé bien, ab-straites, que les créateurs des produits dérivés décident combien de paires d’yeux, ou de tentacules, il faudrait disposer sur les figurines, peluches, cadeaux BurgerKingdom, d’ailleurs ces derniers offrent un gros contrat et…”
Carter ferma tout doucement les yeux, en espérant que lorsqu’il les rouvrirait une main blanche, de la consistance de l’azote liquide, aurait effacé tout cet inutile fragment de temporalité, et qu’une surprise, longtemps guettée, apparaîtrait enfin, comme cette citadelle pavée d’or entr’aperçue dans ses rêves d’enfant…
“… et donc Mr Carter vous approuvez notre décision ?”
Mieux aurait valu ne pas les rouvrir. Carter hocha la tête d’un air le moins niais possible, signa quelque chose (peu importe) avec un stylo électronique sur un boîtier noir à écran tactile dont il aurait été incapable de se servir, et jeta un dernier regard à son manuscrit, feuilles de palmier fossilisé abandonnées sur un plateau de verre. A la porte du bureau, après une poignée de main mollissime, Little l’arrêta une seconde.
“Dites-moi, vos histoires, d’où est-ce que… Car enfin, tout de même, par moments, enfin de ce qu’on m’en a fait lire, ça a l’air, hé bien, bigrement réaliste.”
Carter faillit répondre “de mes propres expériences”, mais il se retint à temps, et marmonna : “De vieilles légendes locales remises au goût du jour. Rien d’autre.”
Il crut voir passer sur ce visage lisse l’ombre d’un lâche soulagement.



Une légende vivace voulait que Weissmann, le meilleur (et seul) ami de Carter, vive véritablement dans le musée de l’université de Miskatonic où il travaillait. Une fois, une seule, l’archéologue avait entrevu, derrière la vitrine des mollusques mutants prisonniers de l’ambre, un lit de camp mal dissimulé sous une couverture patchwork, ainsi qu’une collection de cravates (toutes de la même couleur, noir) pendues au bras d’un écorché d’orang-outang en plastique polychrome.

Carter put enfin poser sa lourde valise à terre, en sortir un objet semblable à un enjoliveur de camion tout-terrain, et le tirant de ses précautionneux emballages de papier soyeux, en révéla la véritable nature, un grand bouclier de bronze mat, large comme le bras, et orné en son centre d’une remarquable tête de Méduse. Les yeux de Weissmann se mirent à briller comme des feux de St-Elme au cœur d’une tempesta près de Saint-Pierre & Miquelon.
“Extraordinaire… Je toucher je peux puis-je s.t.p. ?”
“Ne te gêne pas.”
“Viking. Septième siècle après Jesse. La preuve qu’on attend tous les deux depuis si longtemps ! La preuve…”
“Que les vikings ont débarqué sur cette terre un bail avant Cristobal from Genoa, qu’ils y accomplissaient des rites païens syncrétiques très élaborés, dans lesquels intervenait une déité associé au serpent, qu’il faudrait comparer avec les Rites Anciens déjà connus. Ce serait aussi à rapprocher du rituel du serpent chez les indiens Hopi du Nouveau-Mexique.”
“Formidable. Et qui t’a été assez fou pour t’autoriser à amener jusqu’ici cette pure merveille ?”
“Je l’ai volé.”
“Formidable, formi… Volé ?!?”
“Tu n’auras qu’à le cacher avec toutes nos autres vieilleries. Quelle meilleure cachette pour une antiquité qu’un musée que personne ne visite ?”
“Hinhin. Très drôle. Mais alors Carter, raconte, ce que tu refusais d’écrire sur ta carte postale.”
“Quoi donc ?”
“La Gardienne du Bouclier, enfin ! Comment était-elle ?”
“Euh, poilue avec trop de pattes et de globes oculaires à mon goût. Dis, Weissmann. Je voudrais le voir. Une dernière fois.”
Inquiétude de Weissmann. “Pourquoi une dernière fois ?”
Il était toujours là, n’ayant pas bougé, jamais prêté à une quelconque exposition, pas assez à la mode pour ça, déposé dans une petite pièce attenante sans fenêtre : le Nécronomicon de l’Arabe dément Abdul Alhazred, posé sur son coussin de velours vert férocement déteint, sous sa vitrine cubique couverte de poussière et de traces de doigts, un signet jaune s’échappant d’une page que personne depuis plus de cinquante ans n’avait osé tourner, car Carter et Weissmann, comme leurs pères, avaient fini par refuser de ce livrer aux puissances démoniaques recelées par cet ouvrage. “Puissances démoniaques ?” A voir ce bouquin rongé par l’humidité, prêt à tomber en lambeaux si l’on venait ne serait-ce qu’à l’éfleurer, croupissant oublié de tous sous son bocal, on ne l’aurait pas cru. Et Carter comprenait aussi que non seulement le monde n’y croyait plus, mais que lui non plus. Lorsqu’ils sortirent, Weissmann éteignit le plafonnier d’un coup sec, en se promettant à son tour, en lui-même, de ne plus jamais revenir dans cette réserve.

Le long de la rivière Miskatonic, là où autrefois, sur des berges encores herbeuses que les crépuscules rendaient glauques, on ne croisait personne si ce n’est un étudiant récitant à voix haute des prières païennes, s’étalait maintenant une promenade criarde, étalage de boutique après boutique refusant de fermer avant minuit, concerts amateurs médiocres, supermarchés luxueux, vente d’armes sans licence, costumes d’Halloween, comics de superhéros d’occasion, etc. Weissmann montra du doigt l’ancien emplacement de la Maison de la Sorcière. S’y dressait maintenant l’Attraction Maison-de-la-Sorcière, en polystyrène vert pomme et noir goth, dans laquelle les auto-tamponneuses étaient harcelées par des automates volants (chapeau conique, balais éméchés) sous les hurlements de joie des clients. Et pourtant, devant un de ces bars musicaux qui avaient poussé comme des petits plants de cannabis en serre depuis que la population étudiante d’Arkham était passée des lunettes rondes et col amidonné aux écouteurs et tee-shirt, Carter s’arrêta brusquement. Une grande affiche proclamait, en lettres gothiques : ONE BAROCK OPERA-MINUTE WITH MUTT, LAUVE & KRAFT, et juste en-dessous du titre le passant était invité à baisser les yeux le long d’une impressionnante colonne de prix d’entrée, chaque fois rayés à la craie blanche, et allant diminuendo jusqu’à atteindre en cette soirée la quasi-gratuité. Weissmann déplaça ses verres le long de son nez, comme un astronome règlerait son téléscope, et tenta un décryptage à sa façon.
“Hum, programme de variétés. On voit ça d’ici. Le courage, l’amour et la puissance, directement en import-export des rives en conflit de l’Holstein, vont chanter nos bisbilles au quotidien avec une armée de trilles et arias da capo accompagnés de riffs bien épais, pendant que les bouteilles de bière s’envoleront sous un plafond de gargotte noir de crasse. Mon copain m’a plaquée, la recette de bacon au curry à la mode, j’ai perdu mes clés. Ce genre de choses mornes, à désespérer. Tout à fait, euh, épastrouillant ?”
“J’ai envie de voir ça.”
Weissmann, son regard myope jusqu’alors collé contre le bas de l’affiche, releva discrètement la tête pour voir celle de Carter, et décida de ne pas le contrarier. Gravures de monstres, formules de mythes à déchiffrer, horreurs à t’envoyer direct dans la meilleure section de l’asile, celle qui dispose de matelas. N’avait-il pas droit à un peu de divertissement ? Et lui-même, Weissmann ? Chaque fois, ce pouvait être la dernière occasion de voir son seul ami. Il n’y aura jamais de ligne téléphonique directe entre le lieu de sa mort et la cabine du musée. Et qu’est-ce qu’il resterait ? Un nom, le nom du père, pour tout capital.
“D’accord, entrons. Mais c’est toi qui invite.”

A la conclusion du concert, il fallut mener tambour battant l’opération “esquivage de bouteilles et autres projectiles contondants” : Carter et Weissman (ce dernier hilare, sans trop savoir pourquoi), profitèrent du tumulte pour se cacher sous leur table, la plus proche du vide-ordures. Ils ne loupèrent pas un effet sonore de la descente de police, des cris, des bris de verre, du batteur du groupe se défendant des matraques avec ses simples baguettes en se prenant pour Errol Flynn, des bousculades des fuyards. Puis grand silence. De ce film improvisé, il ne leur avait manqué que la partie supérieure de la pellicule. Ils finirent par sortir de leur cachette, et calmèrent leurs nerfs en testant toutes les bouteilles tentantes du bar. C’était le moment d’entamer un petit congrès du monde intime.
“Qu’est-ce qu’on a fait quand on était jeunes ?”
Boire de l’alcool semblait produire sur Carter l’effet de six mois de pluie sans fouilles. Mélancolie, cafarderie. Son camarade tinter la bouteille qu’il tenait en main avec sa compagne privée depuis longtemps de liquide, et se lança.
“Oh, la réponse, mais d’un facile ! Moi je cataloguais des livres (rayon ésotérisme) dont la poussière n’arrangeait en rien mon asthme et des tessons de poteries à fonction funéraire, tandis que toi tu t’entraînais pour être capable de fuir devant des créatures à phosphorescence de luciole en goguette, menace gravissime à l’encontre de ton intégrité physique, ou devant des bestioles gigantesque, mettons un octèdre de pattes ayant été invoquées, quelle déveine, par l’apprenti-nécromant du secteur …”
“ Nan, je pensais pas à ça. Je voulais dire : est-ce que nos pères nous ont seulement laissé une chance d’être jeunes ?”
Cette fois Weissmann resta silencieux.
“Une trentaine qu’on est amis, et on ne s’est jamais appelés par nos prénoms. Je ne connais même pas le tien…”
Weissmann lui jeta un regard orange noyé par un taux d’alcoolémie illégal.
“ Quoi ? Parce que toi, tu as un prénom ?!?”

Carter dut finalement ramener Weissmann sur son dos, plié en deux et mou comme une asperge noiraude ayant rétréci dans l’évier, ses pas résonnant seuls dans la nuit unanime de la cité endormie, sans menace de couleur tombée du ciel, sans rien. Ce devait être leur dernière ballade ensemble.


Se réveillant chez lui à presque midi, dans une position étrangement à la perpendiculaire par rapport au sens normal d’un divan, un Carter borracho eut droit à un éveil tout en tortillaminis. Il lui parut, dans l’état sacrément défraîchi dans lequel il se trouvait, que l’acte s’approchant le plus de raisonnable, dans une situation de gueule de bois, est de descendre acheter le journal. Il n’aurait pas deviné qu’à Arkham c’était surtout devenu un acte relevant de l’impossible. Pas un kiosque sur la dizaine de miles de trottoir qu’il parcourut en se tenant le crâne d’une main, pas une seule foutue barraque, nada. Tout juste s’il n’en était pas à guetter le crieur à casquette de gavroche, sa pile de journaux sous le coude : “Arkham Herald ! Demandez le Arkham Herald ! Le premier ministre anglais Arthur Neville Chamberlain ramène la paix de Munich ! Déclaration du chancelier Hitler : Je suis pacifique et végétarien ! Le Président Roosevelt va causer au coin du feu ! Demandez le Arkham Heraaaaaald !”. Mais quel trucidage des parois occipitales : ma collection de revues alchimiques pour un disque d’aspirine et un seau d’eau. L’ascenseur ramenait tout juste Carter devant sa porte, que celle de l’appartement d’en face s’ouvrait, laissant s’échapper un bombardement hip-hop et découvrant un étudiant, crête de blondinet, tee-shirt et short kaki, un muffin entamé à la main, et dont le visage tout en signes circulaires (yeux écarquillés, visage épais) signalait le curieux impénitent.
“Salut. Vous êtes le Gars Qui n’Est Jamais Là, n’est-ce pas ?”
“Bonjour. Je voulais acheter le journal, mais je n’ai trouvé aucun kiosque. Vous savez où je pourrais en trouver un ?”
Le jeune gars lui renvoya ce regard vide et terrifié qui avait souvent dû être celui de Carter face aux abominations des cultes de Chtulhu qu’il avait du affronter durant la vingtaine écoulée, entre deux époussetages de fondations de torchis.
“Vous lisez encore le journal sur du papier, vous ?!?”
La bouche de Carter s’ouvrit sans que rien de spécifiquement compréhensible ne puisse s’en échapper.
“Mouais. Encore un de ces tarés qui lisent les nouvelles du coin pour le plaisir parce qu’ils n’ont rien d’autre à glander…”
Son jeune voisin avala le reste de son muffin, farfouilla quelques secondes derrière sa porte, et lui jeta enfin dans les mains un journal couvert de taches couleur de pissotière dont l’odeur évoqua aussitôt à Carter ces sacs en kraft disponibles dans les avions et qu’il avait souvent vus passer remplis près de lui dans les mains d’une hôtesse grimaçante. Moisissure ? Souvenir de tombeau malévolent, avec présence de déités remontant plus haut que la plus haute antiquité ? Ou, plus prosaïquement…
- Pour les litières de chats, ça possède encore son utilité. Gardez-le après.
Sur ce, claquement de porte. Le monde avait donc changé si vite durant ses absences de plus en plus prolongées dans les terres sauvages, en quête de cairns, tumuli et autels effondrés, au point qu’il ne savait plus si lire le journal était une activité reservée aux spectres ou aux félins ? En tous cas, note pour plus tard : si le dernier livre est publié, rajouter une disgression dans laquelle des prêtres synocéphales refourguent en ofrande aux Grands Anciens un étudiant en guise de boustifaille plus nourrissante qu’une collection de brochettes de goules.

Le journal, pas trop ancien, l’informa de la rumeur selon laquelle des crocodiles, échappés d’un numéro aquatique pas très florissant, occupaient les égoûts de la ville. Carter songea au culte égyptien de Sobek, et à la vieille légende d’Arkham selon laquelle des expériences au siècle d’avant le siècle précédent… Quelques minutes plus tard, on vit relever une bouche d’égoût et s’engouffrer dans l’ouverture. Personne ne songea à le retenir. Naturellement, il ne trouva rien, et se pauma avec une rapidité qui le consterna lui-même. Ce qu’il connaissait, c’était les tunnels formulés par l’érosion, les poignes sacrilèges, les murs teintés de sang. Mais contre des murs rectilignes disposés par des hommes innocents, il se retrouvait impuissant !
Au bout de quatre heures de tournicotage en rond, il vit enfin de la lumière. Pas celle de l’extérieur, mais celle provenant des torches d’une équipe de nettoyage, pataugeant joyeusement dans la fange. Carter éclata d’un rire hystérique, ce qui ne l’empêcha pas de jeter un coup d’œil aux sacs en plastique, d’une énormité qui ferait naître n’importe quelle suspiscion, que portaient ces travailleurs des souterrains, sacs qui aux lueurs intermittentes des torches électriques daignaient laisser transparaître un contenu (tubes calcifiés, rotondités macabres) qui lui procura aussitôt un frisson, oh mais un frisson lui signifiant bien que c’était sans doute une sensation de fin de parcours, un électrochoc à savourer dans la moëlle tant qu’il ne s’était pas évanoui, car ce serait, oh bonheur ?, le dernier.
“Ce sont des ossements ? Des os de quoi ? Où les avez-vous découverts ?”
Un ouvrier moustachu, sa tête seule dépassant derrière son sac, émit un sourire qui propulsa sa bacchante en un arc de cercle presque parfait, croissant de lune à taches dorées.
“Quelle question bizarre : chez nous, bien sûr. Ces tunnels, ces tuyaux, ce sont les chemins que nous connaissons mieux que ceux vers nos propres domiciles. Nos gants en caoutchouc retrouvent dans le bourbier les anneaux des fiançailles qui ont été fracassées et les clés de garage qui sont tombées dans le maelström des chasses d’eau. On les empoche, et on en fait les acquisitions de nos cartographies marrantes, au grand plaisir des collègues, tous ces artefacts qu’on a alignés dans la salle de repos. Le Musée du Crime, à côté, ne mérite pas ses files de touristes. Bon, parfois, on déterre le lot qui éblouit, c’est la combe de Toutankaleçon ou le mastaba Ghandi. Mais là, quand même, j’avoue qu’on a été surpris…”
Avant même qu’un point d’interrogation s’échappe de sa bouche ayant décidemment une fâcheuse tendance à ne plus émettre de musique, Carter comprit que tout, ce décor factice et antique qui subsistait encore en toile de fond de sa mémoire, tout, donc, s’écroulait, tunnels, tuyaux, murailles, ciel peinturluré, tout.
“Alors… les restes d’une créature inconnue ?”
Le quatuor éclata de ce rire lié aux troupes unies, traînée de gras le long des galeries où le tubulaire laisse planer son omniprésence. Le moustachu, de ses mains gantées de caoutchouc orange, fit crisser son sac en plastique, presque amoureusement.
“Vous n’êtes pas du coin, vous, on le saura. (Soupir de Carter). Une créature de l’inconnu ! Wouarf. Pourquoi pas. Non, ce sont des os de… Merde, Gringalet, comment disait l’huile des officiels déjà ? Trie-ses-rapports ?”
“Tricératops, chef.”
“Oui, voilà, des os de tricératops. La dernière blague des scolaires en visite au Muséum d’histoire naturelle. Ces garnements ont ligoté leur maîtresse d’école et les gardiens. Les céréales survitaminées et le lait bio rendent tous ces enfants si précocement… nerveux… (Une pointe de tristesse ici). Puis ils ont démantelé le squelette de… tri-cé-ra-tops qui était sous la coupole, et ont balancé tous les os, un par un, dans les toilettes pour femmes. Je ne sais pas si vous réalisez le travail de précision que cela a pu leur nécessiter. Un travail tout en collectif, et une patience, oui ça c’est à souligner. Et pour conclure ils ont fait une partie de paintball dans la galerie de l’Evolution. Mieux vaut taire ce qu’ils ont utilisé comme peinture. Vous trouverez tous les détails dans le Arkham Herald de je ne sais plus quel jour de mai. Du douze, Gringalet ?
“N’en dites pas plus. Entre les annonces des groupuscules expérimentant l’occultisme et les publicités pour le BurgerKingdom à l’entrée de la ville ?”
Carter croyait avoir pronocé une blague toute pourrie qui aurait allégé l’air fétide de ces égoûts, mais tous opinèrent très sérieusement.
“Z’êtes plus que dans le vrai. Vous avez goûté leur CrocoBurger ? Certains disent qu’il est fait à partir de viande de crocodile de la région . Vous faites une de ces têtes : vous devriez goûter, cette sauce, le côté épicé qui vous fait cracher vos boyaux, ça vous remonterait le moral.”
Pendant qu’ils l’aidèrent à enfin à sortir des égoûts, par une échelle qui se trouvait à deux pas de là où il s’était abandonné aux hurlements, la nuit était de nouveau tombée. “Nuit, encore nuit, toujours nuit. Assez ! Je veux du soleil ! Du bronzage ! Moi aussi, j’ai droit à la vulgarité !!!”

“Le Zweistromland peut-être, encore hanté par les spectres d’archéologues qui furent assassinés loin de la Germanie dont ma famille est lointainement issue. Ou alors, pour poursuivre dans l’exotique à publications de débiles, Zanzibar ? Le sultan me reçoit déjà, il m’accueille avec des défilés de palmes rafraîchissant bien plus que tous les climatiseurs réunis dans mon hôtel, je devine déjà la caresse du hamac, tandis que j’esquisse avec un ukulélé une chanson originellement destinée aux cordes d’aigreur du hapsichord. Ce cocktail déploie toute une palette de couleurs de charme. Soupir. Tout ceci une rêvasserie, encore une. Il ne tient qu’à mon poing, refermé sur le vide, que les billets d’avion n’apparaissent à la dépliure de mes doigts. Il est tard : minuit passé d’un diptyque, m’informe l’horloge, unique vestige non constitué de papier ayant survécu à la destruction de Carter House. Adieu, Weissmann. Des gamins passent devant ma fenêtre, un ballon les précède, et alors donc le couvre-feu, la nuit protège leur fugue à trio de voix, et moi, attendez que j’aie retrouvé ma valise, et je vous courserai pour que vous alliez plus vite encore que moi, vous hurlant comme l’arachnide qui m’avait averti depuis sa caverne : Courez, courez ! Fuyez, fuyez !”

11.5.08

Lectures-autruche


Franchement, tout d'abord, je voudrais m'excuser pour le véritable "mess" qu'est devenu ce blog ces derniers temps. La faute à Dédé Breton, qui cannibalise véritablement tout mon temps, et ça va durer encore comme ça jusqu'au 13 juin...
Mais n'allez pas croire que tout mon temps ne consiste qu'en lectures du vampire surréaliste. En ce moment, par exemple, je suis en train de (re)lire le formidable livre "Au-delà du soupçon" de Marc Chénetier - je l'avais découvert il y a déjà quatre ou cinq ans, au cours des habituelles randonnées parmi les rayonnages de la BPI, et là maintenant que je peux le lire tranquillement de Abish à Yurick, j'en apprécie encore plus la profondeur des jugements, la solidité des arguments et la grande culture qui laisse supposer derrière elle le spectre excitant d'une vastissime bibliothèque privée.
Récemment, j'ai également (ENFIN!!!) lu "Mason&Dixon", le dernier Pynchon à avoir jusque là résisté à ma voracité de fan(atique). J'avais commencé à le lire en anglais, mais à mon piètre niveau d'anglophilie la langue du 18e siècle revisitée par le Pynch, c'était trop forte partie. L'excellentissime VF des sieurs Claro&Matthieussent, enfin acquise (pour 6 euros!) chez un bouquiniste parisien obscur dont l'adresse m'a été fournie par l'ami A.W., m'a enfin sorti de cette ligne d'échec. Au bout du voyage, plaisir intense mais souvenir mêlé : le livre est vraiment trés long à dévoiler ses cartes (c'est le cas de le dire), et ce n'est qu'à partir du deuxième tiers, lorsque les comparses et toute leur folle caravane de fêlés fantastiques se mettent à tracer entre Penn et sylvanies, que tout s'accélère pour notre plus grande joie terrifiée, jusqu'à une fin réellement bouleversante (durant tout le livre, les deux astronomes ne cessent pas de se bouffer le bec (de canard mécanique), mais c'est là bien sûr la condition pour que le final possède véritablement tout son poids).
Et puis, je jette un coup d'oeil autour de moi sur ce qui traîne sur le bureau et ailleurs, il y a le "Bartleby" de Melville ENFIN lu (ce qui va me permettre de comprendre enfin quelques gouttes à la postface de Deleuze), l'arc-en-ciel "Paradiso" de José Lezama Lima dont j'ai déjà longuement exalté sur le blog du FFC la "rapturous marvel", ceci sans oublier dans mon domaine privé le formidable (et gros) "L'image survivante" de Georges Didi-Huberman, sur Nietzsche, Freud, Aby Warburg et le concept de nachleben dans l'art (qui devraient bien plaire à l'ami Bartleby).
Et puis et puis, il y a ce petit texte, "Ghaghahouast" qui va bientôt être révélé au public. C'est bien simple : je suis te-rri-fié.
J'ai lu je ne sais plus où que "Contre-Jour" allait faire plus de 2000 pages et coûter 35 euros. Gott im Himmel!

Pendant ce temps, à l'autre bout de la forêt J.A. fulmine contre la critique qui n'accorde aucune attention à son bouquin (Damné soit Jacobus Werkteufel ou un truc dans ce genre) et se bagarre en 1567 commentaires assassins avec trois pelés monomaniaques ; l'immonde Guillaume Musso fait la première page de Paris Match ("l'alchimiste qui transforme le papier en or" - SIC !) ; Christine Angot bénéficie déjà d'un buzz mirifique ; l'Académie française se regérontise lentement ; Tahar Ben Jelloun, frais juré Goncourt, annonce déjà : "Je vais moins écrire pour lire plus".
BZZZZZZZZZZ!!!!

8.5.08

HAPPY BIRTHDAY


71 ans, 7 livres, des pages et des personnages par milliers...
2008 sera l'année Pynchon ou ne sera pas!

4.5.08

Je serais sérieux comme la musique

Aujourd'hui j'ai recopié des citations de Queneau et de Dédé Breton. Ceci pour la partie esclavage.
Pour la partie fun, j'ai commencé à écrire une fiction qui s'annonce pas trop mal. Je suis surtout trés fier d'un short kaki, d'un muffin, de sacs en plastique, d'une affiche de concert et d'un tricératops en kit dans les égoûts.

Ceux qui me connaissent bien savent qu'il y a des moments où il est impossible de savoir si je plaisante ou si je suis sérieux. Considérez donc l'indicatif FFC (!!!) ci-dessous comme une blague avec un vague fond sérieux derrière.

2.5.08

Dada Lives!


"(...) Le temps produit sur Dada et sur le surréalisme un effet opposé. Alors que le mouvement de Breton se couvre de rides et de poussière, celui de Tzara subit une cure de jouvence. Un nouveau dadaïsme s'enseigne aujourd'hui aux jeunes générations. Les écrits de Greil Marcus (Lipstick Traces) habillent Dada de strass et de vinyle. Marcus voit dans les soirées du Cabaret Voltaire l'anticipation des concerts des Sex Pistols. Tzara y apparaît comme le père putatif de Johnny Rotten. Face à ce Tzara relooké façon punk, la figure de Breton en père fouettard achève de faire du surréalisme une forme de maison de redressement."
Didier Ottinger, "Dada est-il soluble dans le surréalisme?", Les Cahiers du Musée national d'Art Moderne, n°102, hiver 2007/2008

27.4.08

DEPECHE SPECIALE POUR THOMZ


L'intéressé comprendra la private joke - ceci tiré du "Journal du Dimanche" d'aujourd'hui : "Ce sera l'un des événements de la rentrée littéraire 2008. (...) "Le Marché des amants" va sans doute recevoir, comme tous les romans de Christine Angot, un accueil passionnel. Le roman est construit autour de trois temps et de trois hommes. L'écrivain y relate sa rencontre avec Doc Gynéco. Elle décrit le chanteur sous un jour nouveau. Et, à travers lui, stigmatise les préjugés, le racisme, les clichés des milieux français les plus cultivés."

Bon, Thomz, tu sais ce que tu nous a promis!!!

Dans la foulée, et tirée du même inénarrable JDD, je ne résiste pas, toujours dans la série "mauvaise littérature", à vous citer le début de l'article (SIC!) consacré au dernier livre de Richard Powers, "La Chambre aux échos". Sous le titre mirifique "Comment sort-on d'un coma profond?", la chose commence ainsi : "Disons-le d'emblée, Richard Powers n'est pas de ces auteurs qu'on lit à la légère. La densité de ses textes requiert qu'on leur accorde toute son attention. Il n'y a pourtant chez lui rien de doctoral (...) Aucun sujet ne tétanise ce puits de savoir."

Que faire? S'esclaffer WARF WARF WARF ou se désoler devant tant de plate bêtise?